CONCLUSION
L’Autonomie italienne prend sa source dans le mouvement ouvrier des années 60, à travers le débordement des syndicats par les jeunes OS venus des campagnes méridionales et leur organisation en comités de quartier dans les luttes du logement. L’implication des militants d’extrême-gauche dans ce mouvement social l’a transformé en mouvement politique à partir de 1973. D’inspiration léniniste, l’Autonomie italienne est un mouvement révolutionnaire dont la pratique rompt paradoxalement de manière radicale avec le léninisme, en laissant s’organiser une forme de démocratie directe dans des collectifs de base. L’Autonomie italienne peut donc être interprétée à la fois comme la fin du léninisme et comme une ultime tentative de sauver le léninisme.
Avec le mouvement des autoréductions, les autonomes ont construit une forme inédite de contre-pouvoir dans les grandes villes italiennes qui a mis en péril l’ordre établi. L’Autonomie italienne est restée cependant l’expression d’un contexte particulier : celle de la restructuration économique de l’Italie des années 70. L’Autonomie italienne est restée également un mouvement minoritaire. En terme d’effectifs, elle n’a pas été capable de se hisser à la hauteur du Parti Communiste. Cette faiblesse s’explique en particulier par son caractère générationnel. En délaissant les luttes sur les lieux de travail, l’Autonomie italienne a également délaissé le principal terrain sur lequel elle représentait un danger révolutionnaire. En choisissant la voie de la militarisation, elle s’est condamnée elle-même à l’isolement et à la défaite. Les autonomes français, quant à eux, sont l’expression de la décomposition de l’extrême-gauche. En cherchant à imiter leurs homologues italiens, ils ont reproduit les mêmes erreurs.
L’évolution du mouvement autonome confirme le modèle théorique proposé par Ruud Koopmans. On retrouve en effet les trois phases d’innovation, de massification, et de radicalisation. On retrouve également le processus d’institutionnalisation à travers le parcours des militants négristes. Ce processus d’institutionnalisation correspond au modèle de Koopmans dans le cas français, mais pas dans le cas italien. Dans le cas italien, ce processus d’institutionnalisation est postérieur à la répression.
En ce qui concerne le rôle des autorités dans ce double processus de radicalisation et d’institutionnalisation, il y a aussi une différence entre l’Italie et la France. En Italie, les autorités ont joué un rôle crucial dans ce processus, ce qui confirme la théorie de Sabine Karstedt. Mais ce n’est pas le cas en France. En France, ce processus se fait indépendamment de l’action du pouvoir, en suivant des mécanismes idéologiques. En projetant leur regards sur la situation politique de l’Italie, les autonomes français semblent avoir anticipé l’hypothèse d’une répression massive qui n’a finalement pas eu lieu en France. On a donc une configuration dans laquelle l’action répressive d’un Etat provoque des effets au-delà de son cadre national. La création d’Action Directe ne peut cependant être vue comme une simple influence des Brigades Rouges puisque Action Directe trouve ses origines à la fois dans l’histoire de l’extrême-gauche française mais aussi dans l’influence de la situation espagnole.